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  • Dernière modification de la publication :17/12/2023
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Trois sessions proposées par la SFAM (voir les détails plus bas).

  • Forme/structure et continuité/discrétisation : quels principes pour l’analyse musicale aujourd’hui ?
  • De l’analyse à l’écoute de la musique électroacoustique
  • La théorie schenkérienne de la forme

Site web du congrès EuroMAC2014

Forme/structure et continuité/discrétisation : quels principes pour l’analyse musicale aujourd’hui ?

Définir avec précision les principes qui servent de fondement à l’analyse musicale est essentiel pour cerner les pratiques analytiques dans leur diversité. Ian Bent a proposé de définir l’analyse de la façon suivante :

L’analyse musicale est la résolution d’une structure musicale en éléments constitutifs relativement plus simples, et la recherche des fonctions de ces éléments à l’intérieur de cette structure. Dans un tel processus, la « structure » peut être une partie d’une œuvre, une œuvre en entier, un groupe ou même un répertoire d’œuvres, relevant d’une tradition écrite ou orale.

(Ian Bent et William Drabkin, L’analyse musicale : histoire et méthodes, trad. fr. Annie Cœurdevey et Jean Tabouret, Main d’Œuvre, [Nice], 1998, p. 9 ; 1e éd. 1987 sous le titre Analysis).

Au-delà de la simple description du fait sonore, l’analyse musicale consiste, selon Bent, à identifier des unités constitutives et à déterminer leur rôle et leur articulation au sein de « structures » musicales. Cette notion de structure est envisagée d’une façon relativement différente par Schenker, par exemple lorsqu’il écrit que :

L’arrière-plan, en musique, est représenté par une structure contrapuntique que j’ai appelée la structure fondamentale. […] La totalité se réalise dans la structure fondamentale : c’est celle-ci qui s’inscrit sur le front de l’œuvre en tant qu’entité ; […] c’est en elle que repose la perception du tout, la résolution de tous les morcellements en une unité fondamentale.

(Heinrich Schenker, L’Écriture libre, vol. 1, trad. fr. Nicolas Meeùs, Mardaga, Liège, 1993, p. 20-21 ; 1e éd. 1935 sous le titre Der freie Satz)

Dans la théorie schenkérienne, la structure ne constitue pas « une partie d’une œuvre, une œuvre en entier, un groupe ou même un répertoire d’œuvres » destinés à être discrétisés, mais le résultat d’une opération analytique qui s’attache, entre autres, à rendre compte de la « forme » musicale dans sa continuité.

Dès lors, comment envisager la dialectique qui se noue, en analyse musicale, entre les notions de continuité et de discrétisation, et plus généralement entre les notions sous-jacentes de forme et de structure ? Leur distinction n’est facilitée ni par l’appellation « classique » de forme – rondo ou sonate par exemple – ni par des expressions telles que « structures formelles ». Dans quels cas, et à quelles conditions, les notions de forme et de structure peuvent-elles être distinguées ? Et dans quelle mesure correspondent-elles à des principes relevant de la continuité – tels que directionnalité et processus – ou de la discrétisation – tels que découpage et segmentation ? Une telle réflexion pourra sans doute mener à de nombreuses propositions terminologiques et conceptuelles, incluant notamment geste/gesture, mouvement/motion, shape ou design.

Dans la lignée des réflexions d’ordre épistémologique qui font désormais partie intégrante des travaux de la Société Française d’Analyse Musicale, cette session vise, au travers de la diversité des répertoires musicaux et des positions analytiques – focalisées, entre autres, sur la mise en évidence des matériaux de composition, sur les symbolisations dans les traces écrites, sur les identifications perceptives ou sur les gestes interprétatifs –, à interroger l’activité analytique dans le va-et-vient par lequel elle choisit d’isoler des éléments constitutifs, qui ne peuvent toutefois prendre sens que dans leur capacité à intégrer une dynamique, une trajectoire, ou une sémantique.

Session organisée par Nathalie Hérold, GREAM/Université de Strasbourg, Philippe Lalitte, LEAD/Université de Bourgogne, et François Picard, PLM/Université Paris-Sorbonne.

De l’analyse à l’écoute de la musique électroacoustique

Quel est le but de l’analyse ? Lorsque l’on analyse une pièce électroacoustique, que vise-t-on ? On peut suivre le point de vue poïétique et chercher à découvrir le contexte, les intentions, les moyens et les méthodes du compositeur. On peut aussi suivre le point de vue morphologique et étudier l’œuvre « en elle-même », les composantes du système et les relations intrinsèques entre ces composantes. On peut encore, en suivant le point de vue esthésique, étudier la réception d’une œuvre, les processus mis en jeu pour/par l’auditeur.

Mais le point de vue esthésique ne nous offre-t-il vraiment rien d’autre que l’étude de la manière dont les auditeurs perçoivent ce qu’ils entendent ? Après tout, une analyse d’une œuvre est un point de vue (d’écoute) en soi. Cette analyse offre un angle spécifique sous lequel appréhender l’œuvre. Dans la mesure où les caractéristiques pertinentes qui sont relevées ne sont pas les mêmes d’une analyse à l’autre, chaque analyse offre aux auditeurs une nouvelle perspective concernant la manière d’écouter l’œuvre.

Il est rare de trouver une analyse dont la segmentation ne repose pas sur une préconception de la séparation des composantes – ou sur une « bonne » manière de comprendre l’œuvre. Pourtant la musique électroacoustique est souvent source de conflits en ce qui concerne l’analyse morphologique – plus que dans le cas de la « musique de notes », dans laquelle la note peut facilement tenir le rôle d’unité (ou de composante) morphologique.

Ne pourrait-on pas alors découvrir des modèles qui pourraient être appliqués à plusieurs œuvres, et qui définiraient plusieurs façons d’écouter une même œuvre ? Delalande (2013) a développé cette idée avec le concept de « conduites d’écoute », et proposé trois principales conduites (les écoutes taxinomique, figurative et empathique) accompagnées par les trois analyses correspondantes – pour Sommeil de Pierre Henry et La Terrasse des audiences au clair de lune de Debussy. Les trois conduites ont été confirmées par Aranda (2011) et étendues par Anderson (2011) et Marty (2012).

Il serait maintenant intéressant de systématiser l’analyse vis-à-vis de ces trois conduites, mais aussi d’en découvrir de nouvelles. Delalande a remarqué, notamment, la possibilité d’une écoute immersive, ou de la recherche d’un modèle, ou encore des composantes praticienne ou mélodique de l’écoute, sans pousser plus loin leur étude.

La méthodologie pour de tels travaux pourrait s’étendre de la réalisation d’enquêtes auprès des auditeurs jusqu’à la définition de conduites esthétiques, souhaitées, intentionnelles – c’est-à-dire de conduites d’écoute que l’analyse (et/ou le compositeur) souhaiterait voir chez les auditeurs, mais qui présentent peu de chance de se manifester d’elles-mêmes sans que le modèle en soit donné aux auditeurs. La recherche dans un tel domaine devrait donc aussi étudier comment de tels modèles pourraient être transmis – quelles transcriptions seraient adaptées, quelle pédagogie (si nécessaire) pourrait aider la « communication » de ces modèles, etc.

Quelques références :

  • Antonio Alcazar Aranda, « Analyse de la musique électroacoustique, genre acousmatique, à partir de son écoute : bases théoriques, méthodologie et but de la recherche, conclusions », L’analyse perceptive des musiques électroacoustiques (Lien – Revue d’esthétique musicale), Ohain, Musiques et Recherches, 2011
  • Elizabeth Lang Anderson, Materials, Meaning and Metaphor: Unveiling Spatio-Temporal Pertinences in Acousmatic Music, Ph.D. thesis in electroacoustic composition, sup. Dennis Smalley, London City University, 2011.
  • François Delalande, Analyser la musique : pourquoi, comment ?, Paris, Ina Éditions, 2013.
  • Maya Gratier et Michel Imberty, Temps, geste et musicalité, Paris, L’Harmattan, 2007.
  • Nicolas Marty, « Sonic Identification and Listening Strategies: Towards a ‘Natural’ Narratology for Electroacoustic Musics », EMS-12, Meaning and meaningfulness in electroacoustic music, 2012.
  • Ouïr, entendre, écouter, comprendre après Schaeffer, sous la direction de Denis Dufour, INA-Buchet/Chastel, Paris, 1999.
  • Stéphane Roy, L’analyse des musiques électroacoustiques: modèles et propositions, Paris, L’harmattan, 2003.
  • Denis Smalley, « The Listening Imagination: Listening in the Electroacoustic Era », Companion to Contemporary Musical Thought, Vol 1, éd. Painter J. et al.,Londres, Routledge, 1992, p. 514-554.

Session organisée par Nicolas Marty.

La théorie schenkérienne de la forme

L’Écriture libre s’achève par un chapitre intitulé « La forme »(L’Écriture libre, Troisième partie, Chapitre 5, p. 129-141), qui représente l’aboutissement provisoire d’un projet ancien, mais qui surprend par sa brièveté. Schenker le reconnaît lui-même : « Dans le cadre d’un livre qui veut pour la première fois mettre en évidence la théorie de la cohérence, la théorie des formes en tant que réalisations de l’idée fondamentale ne peut se voir attribuer autant d’espace qu’on lui accorderait dans un volume séparé […]. Aussi concise que soit ma description, je m’estimerai heureux de pouvoir présenter au moins sous cette forme l’« Essai d’une nouvelle théorie des formes » annoncé depuis des années » (Id., p. 131, § 306).

Les commentateurs ont marqué leur étonnement devant la brièveté de ce chapitre. Selon Eugen Narmour, la forme est reléguée par Schenker au rang des « éléments non privilégiés dans la théorie » (Eugen Narmour, Beyond Schenkerism. The Need for Alternatives in Music Analysis, Chicago, The University of Chicago Press, 1977, p. 87). Allen Cadwallader considère que le chapitre qui nous occupe « n’est essentiellement qu’une introduction, un aperçu incomplet qui demande plus d’élaboration et de développement » (1990, p. 1-2). Mais ces critiques tiennent trop peu compte du fait, souligné pourtant par Schenker lui-même, que les chapitres de L’Écriture libre qui précèdent font souvent mention de la forme « comme une manifestation extérieure de la cohérence qui naît de l’arrière-plan, du plan moyen et de l’avant-plan » (L’Écriture libre, ibid.). Il est question de forme presque à chaque page du volume, qui peut être considéré dès lors dans une large mesure comme un traité de la forme musicale.

Ce qui demeure mystérieux, cependant, c’est cette originalité de conception que Schenker souligne : « La nouveauté de la description de la forme proposée ici tient à la dérivation de toutes les formes, en tant qu’avant-plan superficiel, de l’arrière plan et du plan moyen » (Ibid.). Quelle est la nature de cette dérivation ? Comment faut-il comprendre le rapport que Schenker suggère entre la « forme » et la « structure » ? S’agit-il d’un conflit, d’une tension, d’une complémentarité ? Comment se fait-il par exemple que le concept d’« interruption », présenté comme générateur de la forme binaire, puisse servir aussi à engendrer des formes ternaires, mais que d’autres formes ternaires n’en résultent pas ?
Ces problèmes ont été souvent traités dans la littérature schenkérienne récente, mais n’y ont pas été complètement résolus. La session proposée ici se donne pour tâche de revenir sur ces questions, d’en faire le point et, si possible, d’y apporter des réponses nouvelles.

Bibliographie

  • David Beach, « Schubert’s Experiments with Sonata Form: Formal-Tonal Design versus Underlying Structure », Music Theory Spectrum 15 (1993), p. 1-18.
  • Scott Burnham, «  Form », The Cambridge History of Western Music Theory, Th. Christensen ed., Cambridge, CUP, 2001, p. 880-906.
  • Allen Cadwallader, « Form and Tonal Process. The Design of Different Structural Levels », Trends in Schenkerian Research, A. Cadwallader ed., New York, etc. Schirmer Books, 1990, p. 1-21.
  • Jason Hooper, « Heinrich Schenker’s Early Conception of Form, 1895-1914 », Theory and Practice 36 (2011), p. 35-64.
  • Larry Laskowski, « J.S. Bach’s ‘Binary’ Dance Movements: Form and Voice-Leading », Schenker Studies, H. Siegel ed., Cambridge, CUP, 1990, p. 84-93.
  • William Rothstein, Phrase Rhythm in Tonal Music, New York etc., Schirmer Books, 1989.
  • Heinrich Schenker, Der freie Satz, 2e éd., O. Jonas éd., Wien, Universal Edition, 1956. L’Écriture libre, trad. N. Meeùs, Liège, Mardaga, 1993.
  • Janet Schmalfeldt, « Towards a Reconciliation of Schenkerian Concepts with Traditional and Recent Theories of Form », Music Analysis 10 (1991), p. 233-287.
  • Janet Schmalfeldt, In the Process of Becoming: Analytic and Philosophical Perspectives on Form in Early Nineteenth-Century Music, New York, Oxford University Press, 2011.
  • Charles J. Smith, « Musical Form and Fundamental Structure: An Investigation of Schenker’s Formenlehre », Music Analysis 15 (1996), p. 191-297.
  • Peter Smith, « Brahms and Schenker: A Mutual Response to Sonata Form », Music Theory Spectrum 16 (1994), p. 77-103.
  • James Webster, « Formenlehre in Theory and Practice », Musical Form, Forms, and Formenlehre: Three Methodological Reflections, P. Bergé ed., Leuven, LUP, 2009, p. 123-139.

Session organisée par Nicolas Meeùs. Les résultats en ont été publiés dans Rivista di Analisi e Teoria Musicale XXI/2 (2015), Schenker’s Formenlehre, A. Cecchi éd.

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